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Menstruations incapacitantes au travail : la proposition de loi des députés NUPES

Après une concertation lancée le 7 avril 2023, les députés NUPES Sébastien Peytavie (Dordogne), le chef de file de la proposition de loi, Sandrine Rousseau (Paris) et Marie-Charlotte Garin (Rhône) ont déposé leur proposition de loi sur la santé menstruelle et gynécologique au travail ce 26 mai. Sa présentation a eu lieu à l’issue du colloque “Pour un congé menstruel en France !” organisé à l’Assemblée nationale avec deux tables rondes : Avoir ses règles au travail : entre calvaire et invisibilisation et L’arrêt menstruel : vers la reconnaissance de la santé menstruelle et gynécologique au travail ?

Voici les éléments clés de cette PPL ambitieuse, qui fera date si elle est adoptée dans le combat pour l’égalité femmes-hommes dans notre pays.

De gauche à droite : Sandrine Rousseau et Sébastien Peytavie

“Cette proposition de loi tente ainsi d’initier un mouvement indispensable : déviriliser le monde du travail”, a fait valoir Sandrine Rousseau à l’Assemblée nationale le 26 mai 2023 (Clara Paul / Enflammé.e.s)

Un arrêt de travail pour menstruations incapacitantes sans jours de carence

Cet arrêt maladie pour menstruations incapacitantes pourra être délivré par un généraliste, un spécialiste, une sage-femme ou un médecin du travail. Il sera entièrement pris en charge par la Sécurité Sociale sur le même régime que celui des arrêts maladies classiques, sans délai de carence, ce qui était l’une des craintes exprimées par ses détracteurs.

D’une durée maximum de treize jours ouvrés, pouvant être posés consécutivement ou séparément, sur une durée d’un an et sans limite mensuelle, sa gestion sera autonome pour les personnes ayant été reconnues comme souffrant de menstruations incapacitantes en posant leur arrêt  de travail via la plateforme Ameli.

“Nous avons privilégié dans l’article 2 le recours à un arrêt de travail pour menstruations incapacitantes (ou « arrêt menstruel ») à un congé menstruel puisque l’arrêt de travail n’indique pas le motif médical lié à l’absence et est, en ce sens, un gage d’anonymat”, précise Sébastien Peytavie, en conférence de presse vendredi 26 mai. 

Sans que cela ne se substitue à cet arrêt de travail, les trois députés souhaitent rendre possible le recours au télétravail pour les personnes salariées et agentes publiques atteintes de menstruations incapacitantes.

“Nous ne voulons ni essentialiser les femmes et les personnes menstruées ni normaliser la douleur. C’est pourquoi nous n’avons pas opté pour un congé menstruel, mais plutôt pour la mise en place d’un arrêt maladie pour menstruations incapacitantes, car les mots ont toute leur importance”, déclare le député de la 4e circonscription de Dordogne. 

Une proposition de loi et 11 articles

Le texte de la NUPES prévoit également des mesures d’adaptation du monde du travail pour y intégrer davantage la question de la santé menstruelle et gynécologique allant des menstruations jusqu’à la ménopause en passant par les pathologies gynécologiques :

  • Sensibilisation des salarié·es et agent·es du public ;

  • Inclusion de ces questions dans les objets de négociations collectives et dans les prérogatives de la médecine du travail ;

  • Utilisation de l’index d’égalité professionnel pour lutter contre les inégalités basées sur le genre.

“Cette proposition de loi tente ainsi d’initier un mouvement indispensable : déviriliser le monde du travail. Un des leviers fondamentaux pour y parvenir reste celui de la prise en compte de la santé menstruelle et gynécologique au travail”, défend Sandrine Rousseau également présente aux côtés de son collègue.

Elle a insisté sur le fait qu’il n’était pas question d’exclure les femmes du marché du travail mais d’adapter ce dernier à leurs besoins. “Les négociations collectives porteront notamment sur l’aménagement du poste et du temps de travail, ainsi que sur l’accès à des sanitaires adaptés et des protections menstruelles, par exemple. Pour rappel, cet arrêt n’est pas obligatoire ; c’est une option mise à la disposition de celles en ayant besoin.” 

Des cycles de sensibilisation sur les questions de santé menstruelle et gynécologique seront par ailleurs instaurés par le biais d’une obligation de sensibilisation par l’employeur tous les 3 ans afin de contrer les effets du turn-over en entreprise. 

L’élargissement législatif du contenu de l’index d’égalité professionnelle aux inégalités de genre permettra d’intégrer l’ensemble des discriminations basées sur le genre, “dont la prise en compte des enjeux liés à la santé menstruelle et gynécologique.”

Enfin, l’intégration de la santé menstruelle et gynécologique dans les prérogatives d’action de la médecine du travail sera “l’occasion d’intégrer pleinement les questions d’aménagement de l’environnement de travail et du recours à l’arrêt de travail ou au télétravail en cas de menstruations incapacitantes au cours de la visite d’information et de prévention. La médecine du travail a pleinement son rôle à jouer pour un monde du travail plus inclusif des besoins des femmes et des personnes menstruées”, assène Mme Rousseau.

Un risque accru de discriminations ?

Les premières réactions qui se sont fait entendre se cristallisent autour des discriminations sexistes dont pourraient être victimes les salarié.e.s., ce à quoi Sébastien Peytavie rétorque, “Nous sommes partis du postulat que les femmes subissent déjà massivement des discriminations liées aux menstruations. L’article 8 de notre proposition de loi inscrit dans le droit du travail et le code général de la fonction publique que l’état de santé menstruel et gynécologique ne peut faire l’objet d’aucune discrimination dans la vie professionnelle, que ce soit notamment en matière de recrutement, formation, rémunération ou d’évolution de carrière.”

“Cessons de toujours douter de la parole des femmes”

“Par cette proposition de loi, nous faisons le pari de la confiance et nous partons du principe que les femmes sont celles qui savent le mieux ce dont elles ont besoin. Cet arrêt menstruel ne relève ni d’une faveur ni d’un mérite : c’est un droit. Un droit qui émane directement de la responsabilité de l’État à prendre soin de sa population. Ce droit ne doit en aucun cas dépendre du bon vouloir de l’employeur”, clament en chœur les députés.

Ils entendent montrer que l’intime est profondément politique et qu’il faut, par conséquent, y apporter une réponse politique.

Ce projet mené par la NUPES est ambitieux. En revanche, son coût n’a pu être calculé faute d’études sur la santé menstruelle.  “La question des règles en général et celle des règles douloureuses en particulier est une question de santé publique, qui doit être prioritaire”, concluent les deux députés. Quant à son adoption, ils espèrent pouvoir le mettre à l’ordre du jour de l’Assemblée rapidement, lors d’une semaine transpartisane. Aucun calendrier précis n’a pu être avancé. Les négociations avec les différents partis et le gouvernement sont en cours.