Carrefour et la santé des femmes : des effets d’annonces ?
Le groupe Carrefour a annoncé par la voix de son PDG, Alexandre Bompard, le 19 avril 2023, une série de mesures pour la santé des femmes. 12 jours d’absence médicale par an seront par exemple accordés aux femmes atteintes d’endométriose et ayant une Reconnaissance de la Qualité de Travailleur Handicapé (RQTH).
Les principaux syndicats (FO, CGT et CFDT) se réjouissent de ces décisions mais regrettent vivement l’absence totale de concertation avec la Direction. Plusieurs limites sont aussi pointées du doigt.
Les mesures pour améliorer la santé de ses employées, dévoilées par le groupe Carrefour, entreront en vigueur à l’été 2023. Les trois principales dispositions sont :
12 jours d’absence médicale autorisée par an pour les femmes souffrant d’endométriose ;
3 jours d’absence médicale autorisée à la suite d’une fausse-couche ;
1 journée d’absence pour les femmes ayant recours à la PMA, au moment d’un transfert d’embryon, en plus des dispositifs légaux en vigueur.
La RQTH obligatoire
Si les 12 jours d’absence médicale autorisée par an peuvent paraître séduisants au premier abord, ne seront concernées que les femmes atteintes d’endométriose et ayant au préalable obtenu la Reconnaissance de la Qualité de Travailleur Handicapé (RQTH) accordée par la commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées (CDAPH), au regard du plan personnalisé de compensation (PPC). La demande de RQTH est déposée auprès de la maison départementale des personnes handicapées (MDPH) du lieu de résidence du demandeur et met en moyenne six mois à être obtenue.
Si la médecine du travail dispose de formulaires spécifiques permettant de bénéficier d’une procédure accélérée, cette dernière doit davantage s’emparer du sujet de l’endométriose pour en comprendre l’impact sur la vie professionnelle des femmes.
“Les premières réactions ? Les salariées regrettent la RQTH obligatoire. Son obtention est un premier obstacle pour que toutes les femmes souffrant d’endométriose puissent en bénéficier”, déplore Sylvain Macé, délégué syndical CFDT du groupe Carrefour France à Enflammé.e.s.
“ENDOmind salue l’initiative du groupe Carrefour qui s’empare du sujet de manière ambitieuse. Cependant, il est préjudiciable de conditionner cette mesure [les 12 jours d’absence médicale autorisée] à la production d’un justificatif RQTH ou autre, car très peu de femmes l’ont. Soit elles n’ont pas pu l’obtenir, soit parce qu’elles n’en ont pas voulu de peur d’être stigmatisées alors même que l’endométriose n’est pas encore reconnue de manière institutionnelle”, analyse Céline Ferrara, présidente de l’association de patientes ENDOmind à Enflammé.e.s.
Alors que l’endométriose est une maladie gynécologique chronique touchant en France près de 10 % des femmes en âge de procréer selon le ministère de la Santé et de la Prévention, elle met en moyenne sept ans à être diagnostiquée. La douleur gynécologique est le symptôme le plus courant de la maladie en particulier au moment des règles, mais aussi en dehors du cycle menstruel, lors des rapports sexuels, de la miction ou de la défécation.
Les syndicats mis à l’écart
Les annonces d’Alexandre Bompard ont pris tout le monde de court mercredi matin. “Nous avons été surpris d’apprendre ces mesures par la presse”, explique Sylvain Macé.
La CGT et la CFDT expriment leur satisfaction envers ces dispositions prenant en compte la santé des femmes au travail. Mais les deux syndicats reprochent à la Direction de ne pas avoir pris en compte leurs revendications dans le cadre du dialogue social. “Ce qui est paradoxal, c’est que ces bonnes mesures n’aient pas été incluses dans l’accord groupe Santé QVCT signé le 21 novembre 2022. Cela aurait permis d’encadrer les modalités de mise en œuvre et d’application de ces trois dispositions”, complète Sylvain Macé.
Même perception du côté de la CGT qui avait demandé l’obtention de congés spéciaux pour les femmes souffrant de dysménorrhée (règles douloureuses) et une meilleure prise en compte de la situation des femmes avec de l’endométriose. “Nous avions précisé à la Direction que les chefs de magasin étaient moins tolérants envers les absences des femmes pour règles douloureuses ou endométriose. Nous avions alors essuyé un refus catégorique. Les raisons ? Cela pourrait être mal perçu de la part de nos homologues masculins, et parce que les abus pourraient être nombreux. La Direction avait tout de même précisé que si la loi changeait, Carrefour s’adapterait”, raconte Véronique Ollivier à Enflammé.e.s.
Toutefois, le premier employeur du secteur privé semble vouloir inscrire ces mesures de façon pérenne. “Ces trois dispositions seront inscrites d’ici la fin de l’année 2023 dans un accord d’entreprise afin qu’elles deviennent un droit pour toutes les femmes concernées. L’accord portant sur l’égalité professionnelle femmes-hommes signé en 2020 devra être renouvelé en 2023 et c’est à cette occasion que nous inscrirons ces nouveaux engagements autour de la santé au féminin”, prévient Stéfen Bompais à Enflammé.e.s.