Dorit Geva : le genre au cœur de l’autorité politique de l’extrême droite
En France, le 31 mars 2025, Marine Le Pen a été condamnée à quatre ans de prison, dont deux ferme, et à cinq ans d’inéligibilité pour détournement de fonds publics. Elle a fait appel, et la décision finale devrait être rendue à l’été 2026, bien avant la présidentielle. Dans ce contexte de recomposition politique, où le Rassemblement national entre dans une phase d’incertitude, Enflammé.e.s a interrogé la sociologue Dorit Geva, professeure à l’Université de Vienne, spécialiste des rapports entre genre, autorité et extrême droite en Europe.
Dans cet entretien pour Enflammé.e.s le 6 avril 2025, Dorit Geva analyse les stratégies de pouvoir féminin au sein des droites radicales, la construction d’un nouvel ordre patriarcal, et les formes d’autorité morale genrée à l’œuvre dans les discours populistes. Loin d’un simple effet de vitrine, la montée en puissance de figures comme Marine Le Pen, Giorgia Meloni ou Alice Weidel redessine les règles du jeu politique. Un entretien pour comprendre comment le genre structure aujourd’hui l’horizon idéologique de l’extrême droite.
Dorit Geva, professeure de science politique à l’Université de Vienne, spécialiste du genre et des droites radicales européennes (Irene Graf)
Votre travail a montré que la présence de femmes à la tête de partis d’extrême droite n’est pas une contradiction, mais bien une ressource stratégique. Qu’est-ce qui rend la figure d’une dirigeante « maternelle » ou « filiale » comme Marine Le Pen particulièrement puissante dans le paysage populiste actuel ?
Le populisme repose sur une formule simple — ce que les chercheurs appellent une « idéologie mince », précisément parce qu’elle comporte peu de contenu substantiel. En son cœur, le populisme oppose « le peuple » aux « élites ». Il est bien plus efficace pour mobiliser les émotions que pour formuler des propositions politiques concrètes.
Dans ce terrain essentiellement émotionnel et symbolique, des femmes comme Marine Le Pen parviennent à asseoir leur autorité en se présentant sous des traits chaleureux et familiaux. Elles transforment leur féminité en atout, et non en handicap, en adoptant des rôles comme celui de la mère célibataire bienveillante ou de la fille dévouée. Ces mises en scène leur permettent d’apparaître comme issues du peuple — émotionnellement accessibles, moralement légitimes — et à distance des élites technocratiques, souvent perçues comme froides, carriéristes ou intéressées.
“Ainsi, la féminité devient une ressource stratégique pour les partis populistes de droite radicale. L’image de la mère ou de la fille évoque le soin, la loyauté, le sacrifice — des valeurs qui trouvent un fort écho dans un climat politique où les électeur.rice.s recherchent de l’authenticité et du lien humain. C’est une manière habile d’incarner le populisme sans en trahir le ressort émotionnel.” — Dorit Geva
Vous décrivez l’État « post-néolibéral » comme un espace où gouvernance néolibérale et politique d’extrême droite fusionnent. Quel rôle joue l’autorité morale genrée — souvent incarnée par des femmes — dans la légitimation de cette nouvelle configuration du pouvoir ?
Lorsque j’emploie le terme « post-néolibéral », je ne veux pas dire que le néolibéralisme est derrière nous. Mon propos est plutôt que la forme dominante qu’il a prise dans les années 1990 — marquée par la privatisation des biens publics et un transfert de pouvoir vers les entreprises et les acteurs non étatiques — appartient désormais au passé. Dans cette configuration antérieure, l’État était perçu comme un gestionnaire inefficace de la vie sociale et de l’ordre économique, et son rôle devait être réduit au strict minimum. Le moment post-néolibéral signale une nouvelle phase dans l’évolution du néolibéralisme : un retour en force de l’État, non pas pour restaurer l’État social ou renforcer la participation démocratique, mais sous une forme centralisée, autoritaire, et chargée de valeurs morales.
L’extrême droite a joué un rôle décisif dans cette évolution. Son mot d’ordre, « reprendre le contrôle », est un appel à reconcentrer l’autorité étatique — mais de manière à vider de leur substance les mécanismes de reddition des comptes démocratiques, et à réorienter l’État autour de principes ethno-nationalistes et moralisateurs.
C’est précisément là que l’autorité morale genrée devient un rouage essentiel.
Les femmes qui se présentent comme des figures maternelles, des gardiennes des traditions ou des passeuses de continuité culturelle deviennent des actrices puissantes dans la légitimation de ce nouvel État post-néolibéral. Leur autorité ne repose pas sur des droits ou des principes libéraux, mais sur une éthique, une filiation, une posture protectrice — des registres qui trouvent un puissant écho dans des cultures politiques marquées par le sentiment d’un désordre généralisé, d’une menace démographique ou d’un déclin moral.
Qu’elles soient responsables politiques, figures symboliques ou archétypes maternels, ces femmes contribuent à naturaliser une vision remoralisée de l’État renaissant. Elles ancrent l’idéologie de l’extrême droite dans des valeurs de soin, de sacrifice et de protection, même lorsque les politiques concrètes mises en œuvre sont excluantes, répressives et hostiles au pluralisme. Leur pouvoir d’attraction, enraciné dans le genre, permet de rendre l’autoritarisme non seulement acceptable, mais aussi rassurant.
Ainsi, l’autorité morale genrée joue un rôle clé dans l’assemblage de l’État post-néolibéral, articulant gouvernance économique néolibérale et cadres moraux autoritaires, souvent patriarcaux.
Féminité, autorité morale et ordre post-néolibéral
En France comme ailleurs, les acteurs d’extrême droite ont de plus en plus recours à une rhétorique « anti-genre » pour se poser en défenseurs de l’ordre moral. Selon vous, s’agit-il d’une réaction défensive face aux avancées féministes, ou d’une stratégie active visant à reconfigurer les hiérarchies de genre sous de nouveaux termes ?
Il faut être prudent lorsqu’on parle des politiques dites « anti-genre », car il s’agit d’un phénomène très variable, qui dépend fortement des contextes. Il n’existe pas de programme anti-genre homogène et cohérent à travers l’extrême droite, et ces prises de position ne recoupent pas systématiquement l’antiféminisme traditionnel. En réalité, dans de nombreux cas — et particulièrement en France — les acteurs anti-genre ne défendent pas nécessairement l’idée que les femmes doivent rester à la maison ou être tenues à l’écart de la vie politique.
L’extrême droite a profondément transformé son rapport aux rôles féminins dans les sphères économique et politique. En France, par exemple, Marine Le Pen a largement évité les campagnes anti-genre explicites. Plutôt que d’attaquer frontalement le féminisme, elle se présente comme une défenseure des droits des femmes — en particulier face à l’islam, qu’elle dépeint comme une menace pour la laïcité française et l’égalité entre les sexes.
Plus largement, le discours anti-genre actuel vise moins à annuler les acquis du féminisme qu’à redessiner les frontières mêmes du genre, avec une insistance particulière sur la transphobie et les attaques contre ce qu’ils appellent « l’idéologie du genre ». L’obsession morale porte moins sur les femmes qui travaillent ou s’engagent en politique que sur la disparition supposée de catégories fixes — celles du genre, du sexe et de l’identité nationale.
Plutôt que de lire l’anti-genrisme uniquement comme un retour de bâton, je l’interprète comme une stratégie active visant à reconfigurer les hiérarchies de genre, souvent à travers un discours qui mobilise le réalisme biologique, la protection nationale et l’ordre moral. Il ne s’agit pas de revenir aux années 1950, mais bien d’imposer un nouvel ordre sexué, excluant et normatif, en phase avec les tendances autoritaires et moralisatrices de l’extrême droite contemporaine.
On observe aujourd’hui un nombre croissant de femmes — souvent jeunes, urbaines et diplômées — s’engager dans le militantisme d’extrême droite tout en se revendiquant comme de « véritables féministes ». En quoi ce « féminisme réactionnaire » reconfigure-t-il les politiques de genre de l’extrême droite ?
Il faut en finir avec l’idée que l’extrême droite serait un espace exclusivement masculin, dominé par un machisme traditionnel. Cela peut encore être vrai dans certains pays — la Hongrie, par exemple, reste attachée à une idéologie de genre très conservatrice — mais dans une grande partie de l’Europe, la droite radicale a évolué. Si certains acteurs continuent à penser que la place des femmes est au foyer, beaucoup ne partagent plus cette vision. Comme vous le soulignez, les mouvements d’extrême droite accueillent désormais un nombre croissant de femmes jeunes, urbaines et éduquées, qui ne voient aucune contradiction entre leur engagement et leur revendication d’un féminisme qu’elles jugent plus authentique.
Entre 2013 et 2017, alors que j’interviewais des jeunes militants du Front national en France, j’ai constaté que les jeunes femmes se disaient très fières de Marine Le Pen. Elles la considéraient comme un symbole de force féminine, et avaient pleinement conscience qu’elle était la seule femme à diriger un grand parti politique en France. Cela n’a pas fondamentalement changé, même si les récentes décisions judiciaires l’ont provisoirement écartée du jeu électoral. Aujourd’hui, on peut même dire que les figures féminines les plus influentes de la politique européenne ne viennent pas de la gauche, mais du centre-droit et de l’extrême droite.
Est-ce le signe que le féminisme a triomphé ? En partie, oui. Ces femmes occupent des fonctions qui leur auraient été inaccessibles dans des générations politiques antérieures. Mais il faut aussi comprendre cela comme une redéfinition du féminisme lui-même. C’est un féminisme qui valorise la force des femmes, mais dans un cadre moral et national très restreint. Il est souvent anti-immigration, et fondé sur une vision essentialiste de la féminité. Il ne revendique pas des droits libéraux universels, mais des droits réservés à certaines personnes seulement.
Ce féminisme réactionnaire reconfigure les politiques de genre de l’extrême droite en les rendant plus émotionnellement engageantes, plus moralement convaincantes et plus modernes sur le plan symbolique. Il permet à l’extrême droite de rejeter le libéralisme et le multiculturalisme tout en affirmant qu’elle donne du pouvoir aux femmes — non pas au nom de la liberté, mais au nom de la protection, de la tradition et de la nation.
La gauche doit prendre cela au sérieux. Elle devrait se poser la question suivante : pourquoi la droite radicale est-elle aujourd’hui plus ouverte à la présence de femmes à sa tête que la gauche ? C’est une question dérangeante — mais essentielle.
Quelles continuités et quels points de rupture percevez-vous entre les formes historiques de l’État patriarcal — comme les politiques familiales ou les systèmes de conscription — et les politiques de genre portées aujourd’hui par l’extrême droite en Europe ?
C’est une vaste question — d’ailleurs, j’y consacre en ce moment un livre — donc je vais y répondre avec prudence, car j’ai beaucoup à dire sur le sujet, sans doute trop pour pouvoir tout développer ici. Mes recherches antérieures portaient sur les systèmes de conscription et les fondements genrés de la construction des États modernes, notamment en France et aux États-Unis. Je m’étais particulièrement intéressée à la manière dont le service militaire et la politique familiale entraient en résonance avec les angoisses nationales autour de la paternité — comme en témoignent, par exemple, les débats qui ont suivi la Première Guerre mondiale en France sur l’enrôlement des pères de famille, dans un contexte de crise démographique.
Ce travail visait à montrer comment le pouvoir étatique a, au fil du temps, à la fois consolidé et ébranlé le patriarcat familial. Aujourd’hui, on assiste à un retour en force des thématiques patriarcales dans les discours de l’extrême droite. Mais je me garderais bien d’y voir un simple retour au passé. Le patriarcat n’a jamais disparu. Il a, pendant un temps, été dissimulé sous les langages de la diversité, du multiculturalisme et de l’inclusion (néo)libérale. Il est pourtant resté profondément enraciné dans les structures institutionnelles, la vie économique, et les normes culturelles. Ce qui change aujourd’hui, c’est qu’il redevient explicite — plus central politiquement, plus chargé affectivement, plus puissant symboliquement.
Le manuscrit sur lequel je travaille actuellement défend l’idée que le patriarcat a lui-même une histoire. Ce n’est pas un système universel et figé de domination, mais une structure évolutive, qui se transforme en fonction des mutations du capitalisme, de l’ordre moral et des formes étatiques. Pour l’instant, je dirais simplement que les politiques de genre de l’extrême droite contemporaine ne cherchent pas tant à ressusciter un modèle ancien qu’à forger une nouvelle éthique patriarcale — nourrie par le passé, mais façonnée en réponse aux impasses du (néo)libéralisme.
La montée en puissance de figures féminines dans les mouvements d’extrême droite permet-elle à ces partis de mieux séduire l’électorat féminin, ou s’agit-il surtout d’adoucir leur image pour gagner en légitimité ?
Je pense qu’il s’agit des deux — et même de davantage encore. Les figures féminines dans les mouvements d’extrême droite contribuent indéniablement à adoucir l’image de ces partis, les rendant plus accessibles, moins menaçants. Elles élargissent aussi leur pouvoir d’attraction auprès des électrices, notamment celles qui perçoivent en ces dirigeantes une incarnation de la force, du pragmatisme ou d’une forme d’autorité maternelle.
Mais au-delà de cela, les femmes à la tête de l’extrême droite reconfigurent le paysage politique. Pendant longtemps, les partis de droite radicale ont utilisé le slogan « ni droite ni gauche » pour affirmer leur position d’outsider. Cette posture devient plus crédible, et plus déstabilisante encore, lorsque ce sont des femmes qui l’incarnent. Des figures comme Marine Le Pen, Giorgia Meloni, ou de jeunes militantes bouleversent les attentes genrées, aussi bien à droite qu’à gauche.
Ce n’est pas seulement une question d’image. Il s’agit de refaçonner en profondeur le terrain idéologique de la politique électorale, en présentant la droite radicale comme la véritable force de rupture — non seulement face au multiculturalisme libéral, mais face à tout l’ordre politique hérité de l’après-1989. Ces femmes incarnent une nouvelle forme de légitimité, fondée sur la morale, l’émotion et une résonance profonde avec un électorat désabusé, aussi bien par le centrisme technocratique que par les discours traditionnels de la gauche.
Vous avez soutenu que les acteurs d’extrême droite revendiquent souvent un monopole de la clarté morale. Quel rôle joue le genre — et en particulier la féminité traditionnelle — dans la construction de cette autorité morale ?
C’est une idée qui traverse une grande partie de mon travail, même si je ne l’ai pas toujours formulée en ces termes. Les acteurs de l’extrême droite revendiquent fréquemment un monopole de la clarté morale, et la féminité traditionnelle joue un rôle déterminant dans le maintien de cette prétention. La figure de la mère protectrice, de la fille dévouée ou de la femme moralement irréprochable devient un symbole de pureté et de sacrifice, enraciné dans la nation, la famille, et un ordre moral perçu comme menacé.
Ce qui m’intéresse, c’est que cette construction n’est pas seulement symbolique. Elle permet aux mouvements d’extrême droite de projeter une forme de légitimité morale sur un mode profondément émotionnel. La féminité traditionnelle devient un vecteur d’autorité morale, qu’on peut activer sans susciter de rejet ou de soupçon idéologique. Elle entre en résonance avec un électorat désabusé, qui ne se reconnaît plus dans les élites technocratiques et ressent la perte de repères essentiels : l’identité culturelle, la sécurité, la stabilité familiale.
De ce point de vue, le genre n’est pas un élément accessoire dans la revendication de clarté morale portée par l’extrême droite. Il en est au contraire le cœur, surtout dans les contextes où les femmes sont présentées à la fois comme victimes et comme protectrices, à la fois innocentes et capables d’agir avec une forme de justesse morale. Le terrain moral de la politique d’extrême droite est souvent féminisé de cette manière, même si la direction politique reste majoritairement masculine dans de nombreux partis européens.
Alors que les partis d’extrême droite se rapprochent du pouvoir dans des pays comme la France, l’Italie ou les Pays-Bas, quel type de régime de genre imaginez-vous pourrait émerger de cette domination ? Une restauration patriarcale, un conservatisme modernisé, ou quelque chose de tout à fait nouveau ?
C’est une question très intéressante, et à laquelle il est difficile d’apporter une réponse simple. Prenons l’exemple de Giorgia Meloni, en Italie. En apparence, elle ne correspond pas au modèle patriarcal traditionnel. Elle est mère de deux enfants, non mariée, et elle a annoncé publiquement sa séparation sur X (N.D.L.R anciennement Twitter). Pourtant, sa vision politique et les politiques de son parti produisent des effets bien réels : restrictions à l’accès à l’avortement, durcissement des politiques migratoires au nom de la protection nationale.
Ce qui m’intrigue chez une figure comme Meloni, c’est que son ascension ne signale pas un retour au patriarcat traditionnel, mais bien une transformation des rôles de genre qui intensifie les charges pesant sur les femmes. Dans cette vision, les femmes sont censées avoir des enfants, gérer les foyers, et même diriger des mouvements politiques. Elles sont investies à la fois comme piliers moraux et comme actrices du renouveau national. Parallèlement, la place des hommes dans la société, la politique ou l’économie est étrangement peu définie.
Je ne parlerais donc pas de restauration patriarcale. Il s’agit plutôt d’une reconfiguration, où les femmes — en particulier celles qui correspondent à l’idéal de la « bonne » mère blanche, perçue comme méritante — sont appelées à porter une responsabilité toujours plus lourde. Elles doivent enfanter, prendre soin, travailler, diriger, incarner l’ordre moral. Pendant ce temps, les privilèges masculins demeurent, mais avec des obligations amoindries.
“Ce n’est pas un retour nostalgique au passé. C’est un nouveau régime de genre, qui exige énormément des femmes au nom de leur prétendue émancipation, tout en laissant sans réponse la question de la responsabilité des hommes.” — Dorit Geva
Avec la mort récente de Jean-Marie Le Pen en janvier 2025 et la condamnation de Marine Le Pen à une peine d’inéligibilité — en attente d’un jugement en appel prévu pour l’été 2026 —, le Rassemblement national semble entrer dans une phase de transition politique. Que révèle ce moment du rôle de l’autorité politique genrée dans les partis d’extrême droite, en particulier lorsque le leadership féminin est à la fois symboliquement central et institutionnellement fragilisé ?
La décision de justice a désormais confirmé l’inéligibilité de Marine Le Pen, ouvrant une période d’incertitude politique pour le Rassemblement national. Si Jordan Bardella est populaire, la vérité, c’est que Marine Le Pen est une dirigeante remarquablement douée et disciplinée. Elle ne sera pas facilement remplacée. Il ne faut pas s’imaginer qu’elle se retirera de la vie politique. Au contraire, je pense qu’elle continuera à jouer un rôle central en coulisses, et qu’il serait imprudent de considérer sa carrière comme terminée. Les Le Pen conçoivent la politique comme un engagement de toute une vie ; ils forment l’une des dynasties les plus influentes de la scène politique française.
Ce moment révèle en effet quelque chose de fondamental sur l’autorité politique genrée dans l’extrême droite. Le leadership de Marine Le Pen n’est ni décoratif ni symbolique. À l’instar de Giorgia Meloni en Italie ou d’Alice Weidel en Allemagne, son autorité est réelle. Elle ne sert pas de paravent à une domination masculine. Ces femmes ne sont pas des exceptions tolérées dans des partis dirigés par des hommes. Elles sont au cœur de la légitimité de leur mouvement, au centre de leur stratégie électorale, et ce sont de véritables cheffes politiques.
En réalité, la situation actuelle du Rassemblement national montre à quel point l’autorité politique, en particulier à l’extrême droite, demeure personnalisée et incarnée. L’absence d’un successeur évident à Marine Le Pen ne témoigne pas de sa faiblesse, mais de sa force. Son identité politique est devenue indissociable du parti lui-même. Même si sa position institutionnelle est suspendue, je ne m’attends pas à ce que son influence s’estompe.
Traduction de l’anglais au français réalisée par Enflammé.e.s.